Les révélations de corruption impliquant un procureur de la République ont mis en lumière les lacunes du Conseil supérieur de la magistrature, affaibli par des luttes internes liées à Paul Biya. Le Conseil n'a pas tenu de réunion depuis quatre ans. Une publication sur les réseaux sociaux pourrait-elle secouer le monde judiciaire au Cameroun ? Un enregistrement récemment divulgué a suscité de vives réactions en ligne : on y entend un individu, présenté comme un citoyen nommé Hamidou, discuter avec une personne identifiée comme Jean Simplice Eboko, procureur de la République intérimaire à Douala, pour obtenir des avantages indus.
« Ces 100 millions que vous nous réclamez, c'est énorme, Monsieur le procureur... Où voulez-vous qu'on trouve une telle somme ? Nous sommes des gens pauvres ! » exprime Hamidou à son interlocuteur, qui semble devenir impatient et demande : « Que proposez-vous alors ? ». Ceci n'est qu'un fait divers dans un pays où la corruption sévit au sein de l'administration et de la justice. Depuis la diffusion de cet enregistrement, Jean Simplice Eboko a été suspendu par le procureur général de Douala, Jean Claude Robert Foe. Le remplacement du magistrat a été effectué, bien que ce dernier n'ait pas répondu aux multiples sollicitations de Jeune Afrique. Selon nos informations, le magistrat impliqué - considéré présumé innocent - a également été convoqué au ministère de la Justice pour être entendu par le garde des Sceaux, Laurent Esso, en vue d'éventuelles sanctions.
Mais cette affaire pourrait avoir des répercussions plus larges, notamment dans le contexte de la querelle entre Laurent Esso et Ferdinand Ngoh Ngoh. Si Jean Simplice Eboko était reconnu coupable, il ne pourrait pas être révoqué sans un décret présidentiel, une décision qui nécessite une délibération du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), présidé par le chef de l'État, Paul Biya. Cependant, le Conseil n'a pas été réuni depuis près de quatre ans en raison de conflits internes, bloquant ainsi toute nomination et la résolution des problèmes de corruption au sein de la magistrature.
Cette situation a provoqué des critiques de la part de divers acteurs politiques et de la société civile, déplorant le pourrissement de la justice. L'opposition camerounaise, notamment le MRC de Maurice Kamto et le SD dirigé par Joshua Osih, a appelé à une action immédiate pour assurer le bon fonctionnement du système judiciaire. Le cas de Jean Simplice Eboko pourrait-il servir de déclencheur pour une réunion du CSM et mettre un terme à cette impasse ?
Yves Plumey Bobo